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Francisco Roberto Caporal — La question brésilienne

M. Caporal a travaillé durant 8 ans au ministère brésilien de l'Agriculture, où il a collaboré à la rédaction de lois relatives à l'agroécologie, ce qui représente en soi – le fait qu'il existe au Brésil des lois sur l'agroécologie – déjà une solide avancée. Et ce qui a précédé l'élaboration de ces lois s'avère plus inspirant encore.

Vous trouverez sa présentation PowerPoint ici.

L'agroécologie en quelques mots
Pour être tout à fait clair, l'agroécologie constitue assurément une discipline scientifique à part entière au Brésil.
Il puise son inspiration en Espagne. Guzmann, Altieri... sont les pères fondateurs de l'agroécologie. Les premières définitions ont établi un lien entre agroécologie et environnement et sensibilité sociale. On a ensuite parlé de systèmes alternatifs en matière d'agriculture, d'agriculture durable, d'agriculture écologique, de nouveaux systèmes écodurables dans l'agriculture.
L'agroécologie au sens large : en tant que science, nouvelle agronomie, agronomie verte, qui gère les ressources naturelles de façon collective par l'action sociale. Elle englobe les producteurs, les agriculteurs, les scientifiques et les consommateurs. L'agroécologie entend réunir production et consommation en vue d'atteindre la normalité et la coévolution entre l'homme et la nature.
Voilà pour le volet théorique.

Comment tout a débuté
Tout a commencé par la pratique avant de devenir aujourd'hui une véritable science. Le Brésil est le pays le plus étendu au monde et aussi celui connaissant de gros problèmes de sols imputables essentiellement aux pratiques agricoles traditionnelles et à l'agro-industrie. Vous avez toutes et tous déjà entendu parler de la forêt amazonienne et des problèmes y afférents.

Dans les années 70-80, le mouvement écologiste a émis des critiques sur ce qui se passait au Brésil. Les gens s'opposaient aux substances agrotoxiques comme les pesticides et les engrais, de nombreux groupes voulaient une autre forme d'agriculture, les mouvements sociaux voulaient que les choses changent. Les agriculteurs se sont alors lancés dans une forme alternative d'agriculture, plus durable, plus axée sur les produits bios.

Il vous faut savoir que le Brésil compte entretemps deux ministères de l'Agriculture affichant malheureusement deux philosophies contradictoires. L'une en faveur de l'agriculture traditionnelle promouvant les OGM, les pesticides et les engrais. Il s'agit du ministère de l'Agriculture traditionnelle et de l'Agro-industrie.
L'autre ministère se focalise, pour sa part, sur l'agriculture familiale. Il est toutefois intéressant de savoir que 70 % de la nourriture sur le marché local sont produits par ces – relativement petits – agriculteurs, les grandes industries se focalisant, quant à elles, principalement sur l'exportation.

Suite à la vague croissante de protestations des mouvements sociaux dans les années 80, une première loi bannissant l'usage de pesticides a vu le jour. Elle représentait un premier jalon important posé grâce à la pression exercée par les mouvements sociaux.

Massification du débat
C'est vendredi dernier que M. Caporal a cependant lancé son plus vibrant plaidoyer en faveur de l'importance de – comme il l'a qualifiée – la « massification du débat ». Celui-ci se fondait sur la crise sociale et environnementale, l'intérêt pour la question d'une agriculture alternative, le nombre de ses partisans ne cessant de grandir année après année. Les gens ont commencé à s'organiser en réseaux plus vastes, au niveau rural. Le premier grand congrès d'agroécologie, qui s'est tenu en 2003 à Porto Alegre, a accueilli quelque 700 participants, un peu à l'instar de celui de vendredi dernier.
La dernière fois, en 2012, ils étaient alors 3 600, tant des agriculteurs que des représentants des autochtones, des consommateurs, des universitaires, des politiciens, des scientifiques de diverses disciplines telles que l'agronomie, la sociologie, l'anthropologie, l'économie...

Le mouvement s'est amplifié. Mais la thématique est très complexe, ce qui explique pourquoi l'agroécologie est à présent devenue au Brésil une science qui fonctionne selon de nouvelles méthodes, qui a développé une méthodologie propre et qui réunit divers domaines.

Au début, la recherche dans le domaine n'avait pas voix au chapitre dans le débat. Des réseaux de chercheurs ont donc vu le jour : en 2004, un comité scientifique et, en 2006, un véritable Comité scientifique de l'agroécologie. Ils ont pris part aux débats au Brésil et dans l'ensemble de l'Amérique latine. Leur prochain congrès se tiendra de nouveau à Porto Alegre, en novembre 2013, où ils s'attendent à accueillir un grand nombre de participants.

Entretemps, des milliers d'études ont été réalisées sur le sujet et l'on recherche toutes sortes de canaux en vue de socialiser les connaissances, d'y donner accès aux agriculteurs, mais aussi à d'autres parties prenantes dans le développement rural et le secteur de la recherche même. Ils publient des newsletters (bulletins d’information) ; un livre paraîtra en décembre et un site Web distinct regroupe toutes les expériences particulières relatées par des agriculteurs, des organisations paysannes et des chercheurs à propos de l'agroécologie.

La réponse de la politique
Ce qui est à présent très clair au Brésil, c'est que les changements commencent à se produire dans les politiques publiques également, et ce, grâce aux agriculteurs, consommateurs, politiciens, décideurs, mais aussi aux scientifiques et universitaires.
Le réseau pour l'agroécologie est parvenu à mettre cette tendance à l'ordre du jour du ministère du Développement rural. Les exploitations agricoles familiales représentent approximativement 4 millions d'entreprises (soit 38 % de la production agricole brute). Leurs pratiques génèrent un meilleur rendement par hectare, ce qui booste littéralement l'emploi (7 personnes sur 10 travaillent dans ce secteur). Et, comme je l'ai dit précédemment, 70 % de la nourriture sur le marché local sont produits par eux et pas par les grands holdings.

Outre plusieurs lois techniques permettant à des entreprises familiales, par exemple, de contracter des prêts bon marché pour des projets d'agroforesterie ou de recourir à des subventions distinctes pour des projets de lutte contre la sécheresse, on trouve également des fonds destinés aux infrastructures, pour construire par exemple des centrales hydroélectriques, ou encore l'octroi de microcrédits est réglé par l'État.
J'aimerais toutefois encore mentionner une loi optant délibérément pour une agriculture de type familial.
Le programme Zero Hunger permet aux pouvoirs publics de racheter de la nourriture à un coût supplémentaire de 30 %. Ainsi, pour l'approvisionnement de cantines scolaires, l'État ou les pouvoirs locaux doivent acquérir 30 % des entreprises familiales et ils peuvent payer 30 % de plus pour des produits bios. C'est aussi le cas pour les hôpitaux, les casernes, etc. Les marchés publics constituent dès lors clairement un instrument significatif de promotion de l'agroécologie.

BIOGRAPHIE
Le Dr Francisco Roberto Caporal est titulaire d'un baccalauréat en Agronomie de l'Universidade Federal de Santa Maria (1975), d'un master en Vulgarisation agricole de l'Universidade Federal de Santa Maria (1991) et d'un doctorat en Agroécologie de l'Universidad de Córdoba (1998).
Le Dr Caporal possède de l'expérience en agronomie, qu'il met au service des sujets suivants : assistance technique au développement rural, agroécologie, agriculture durable et agriculture à petite échelle. Actuellement, le Dr Caporal est Professeur à l'Universidade Federal Rural de Pernambuco – Brésil, Membre du personnel d'Agroecology and Farmer et ex-Président de la Brasilian Agroecology Association.

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