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Une conférence sur l'agroécologie nous permet de réinventer la notion de collectivité

Le 9 novembre 2012, j'ai organisé, en compagnie de Dirk Holemans, du Groupe des Verts au Parlement européen et d'Oikos, une conférence internationale sur le Potentiel de l'Agroécologie.

Et la moisson a été excellente : quelque 450 personnes avaient fait le déplacement et elles étaient le double à suivre la conférence en streaming sur le Web.
Ce n'est assurément pas un hasard si le nombre de participants était aussi élevé.
À nos yeux, cela constitue la preuve que, tandis que notre société dans son ensemble fonce dans la mauvaise direction, de plus en plus de personnes œuvrent à la découverte de solutions alternatives. Ce type d'activités rassemblant bon nombre de personnes qui réfléchissent à la transition, ne cesse de gagner en importance. Ainsi, quelque 700 personnes ont assisté, il y a quinze jours de cela, à un festival de transition à Gand.

Cette tendance est prometteuse, car la transition sous entend un changement dans le système, une évolution du regard que nous posons sur la société.
Et l'urgence est de mise, car le système dont nous avons hérité du XXe siècle vit ses dernières heures.

Tout cela semble on ne peut plus logique… et pourtant, cette notion est assez récente. Depuis bientôt 25 ans, depuis la chute du mur de Berlin en fait, les forces néolibérales sont parvenues à nous faire croire que le modèle de croissance économique privilégiant le « toujours plus » — le Monde selon Monsanto — est notre seul avenir souhaitable et que seules deux choses sont importantes, à savoir : l'individu et son pouvoir d'achat. Nous savons entretemps que notre avenir ne sera pas dans la continuité de notre présent. De plus en plus de personnes comprennent en effet qu'il est irréaliste et irréalisable de produire et de consommer toujours plus (et de croire que cela rend plus heureux).

Nous sommes arrivés à un tournant de notre société et l'agroécologie est l'un des domaines dans lequel celui-ci se manifeste.
Concrètement, cela revient à dire qu'après des décennies d'individualisation et de cocooning, les gens redécouvrent soudain non seulement le plaisir de faire des choses ensemble, mais qu'ils prennent aussi conscience que cela donne un sens et une signification à leur vie. Et si les mots ne permettent pas en fait de l'exprimer correctement, nous pouvons affirmer que nous réinventons la notion de collectivité. Que nous soyons agriculteurs, scientifiques ou consommateurs, nous redevenons des citoyens, nous sommes les témoins d'une repolitisation de notre société. Une société dont nous voulons reprendre les rênes, sans attendre des multinationales et de l'État qu'ils fassent évoluer les choses.

L'agroécologie s'inscrit dans un mouvement sociétal plus vaste. De plus en plus de personnes partagent des choses plutôt que de les acheter ; pensez au covoiturage, par exemple. Il existe à présent des cafés de réparation où les gens réparent eux-mêmes leurs objets, des coopératives d'habitants en faveur des énergies alternatives, des magasins de troc et gratuits, de l'agriculture urbaine, ainsi que certaines initiatives comme « eetbare stad » (NDT : sortes de potagers publics urbains) et les jeudis végétariens.
Nous ne nous focalisons donc plus sur les problèmes inhérents au système dominant, mais nous nous attelons à la découverte de solutions alternatives, de nouveaux modèles. Et le documentaire intitulé « Les moissons du futur » en est un bel exemple.

À mes yeux, agroécologie rime avec modèle d'agriculture et d'alimentation, mais aussi avec quête d'un autre modèle sociétal. Fort heureusement, nous n'avons plus besoin de plans ; il ne nous est plus nécessaire de savoir de quoi demain sera fait. Nous nous mettons tout simplement au travail.

L'agroécologie constitue un exemple de processus d'apprentissage social, d'une quête d'un nouveau paradigme.
Nous citerons quelques-uns des éléments de ce paradigme durant la conférence.
Il nous faut passer du mode « produire plus et plus efficacement » à la suffisance, en l'occurrence : produire mieux en quantité suffisante.
Il nous faut troquer la concurrence et la spéculation contre la sécurité alimentaire.
Il nous faut passer de la monoculture à la biodiversité et à la résistance.
Il nous faut effectuer la transition entre une science au service des multinationales et une science pertinente à l'échelon de la société.
Et enfin, last but not least, il nous faut évoluer des principes de concurrence et de la loi du plus fort vers une coopération et une justice écologique.
Ce sont là les clés de voûte de ce nouveau paradigme.

Cette conférence nous donnera l'occasion de voir, d’expérimenter et de ressentir que l'agroécologie représente un nouveau projet de société. Elle ne vise donc pas uniquement l'agriculture, la science ou les consommateurs. Elle constitue un nouveau projet de société dans le cadre duquel une coalition, composée de différents partenaires, peut jeter les bases d'une vision novatrice. Cette approche contredit la conception classique de notre société dans laquelle le politique s'occupe des institutions et de la gestion, tandis que c'est la société civile qui peut mettre en œuvre la politique.

Aujourd'hui, l'agroécologie a besoin d'une coalition de développement focalisée sur le fonctionnement de la société, le développement communautaire au quotidien, l'entrepreneuriat et les projets.
En fait, cette journée nous montrera clairement — et nous l'avons tous vu — ce qui est faisable, nécessaire et souhaitable sur le plan de l'agroécologie. Si tous les acteurs de la société et de l'agroécologie s'engagent dans un puissant mouvement, s'ils se remettent tous en branle, il sera alors possible de réaliser ce qui est nécessaire. En effet, le réalisable dépend de ce que les gens veulent réaliser et, si vous avez été attentifs aujourd'hui, vous vous rendrez compte qu'il est possible de réaliser énormément de choses.

Nous aimerions remercier plusieurs interlocuteurs pour leur contribution.

Tout d'abord, Marie-Monique Robin, en sa qualité d'observatrice pointue de notre société, qui a révélé dans ses documentaires un glissement dans notre société. Un précédent documentaire, intitulé « Le Monde selon Monsanto » a dénoncé le côté pernicieux du système. Son nouveau documentaire intitulé « Les moissons du futur » nous montre, quant à lui, l'existence d'un nouveau paradigme qui est mis en pratique et qui fonctionne parfaitement.

Nous aimerions de même remercier Les Levidow, ce scientifique qui est devenu, devient, est un activiste. C'est lui qui nous a clairement démontré qu'il existe de nouvelles alliances sociales entre chercheurs, agriculteurs et consommateurs. Qui souligne pour nous l'importance de la lutte sociale en prenant l'exemple de TP Organics qui s'oppose à la Commission européenne.

Tous nos remerciements également à Pierre Stassart, ce professeur qui entend réveiller ses étudiants, qui nous fait prendre conscience du fait que si l'actuel modèle agricole stagne, nous ne pouvons nous contenter de tourner autour du pot, mais nous devons nous atteler à élaborer un système alternatif. Et qui nous indique le lien existant entre les pratiques concrètes et une attitude critique générale de notre société.

Un tout grand merci aussi à Francisco Roberto Caporal, ce professeur doté d'une incroyable, inimaginable passion sud-américaine pour l'agroécologie. Il nous a démontré que l'agroécologie est un mouvement qui s'amplifie d'année en année. Toutefois, même si nous ne devons pas faire preuve de naïveté — il subsiste encore beaucoup de problèmes dans son pays —, des progrès y sont enregistrés et cela bouge beaucoup au niveau de l'enseignement.

Nous adressons tous nos remerciements encore à Bavo Verwimp, cet agriculteur et sa vision économique de l'agroécologie, qui a clairement démontré que l'actuel modèle agricole ne fonctionne pas en termes économiques pour les agriculteurs bio, qui ont besoin d'un cadre de référence, le modèle économico-écologique de Daly pouvant assurément servir de source d'inspiration sur ce plan.

Nous tenons enfin à remercier Muriel Tichit, cette directrice de recherche ayant une vision claire des choses, qui nous a clairement démontré que la biodiversité est la source de vie pour l'agriculture et que cela ne fait qu'un siècle que l'on assiste à un déséquilibre de développement entre l'agriculture et la biodiversité. Elle a aussi souligné l'importance de nouvelles formes organisationnelles.

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