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La tentative de l'Europe de mettre un terme à la migration en provenance de l'Afrique de l'Ouest
UN MANQUE CRIANT DE RÉALISME, DE COHÉRENCE ET DE COURAGE POLITIQUE

Après la panique causée par l’arrivée massive et inattendue de réfugiés syriens en Europe en 2015, l’Union européenne et ses États membres se sont appliqués à éviter une répétition de ce scénario. Dans ce contexte, ils ont principalement fixé leur attention sur l’Afrique de l’Ouest en tant que source potentielle de nouveaux flux migratoires irréguliers et indésirables pour l’Europe. L’idée centrale est qu’accroître le développement régional permettra de faire baisser la migration.

Dans cet essai, je souhaite indiquer clairement qu’il y a naturellement beaucoup à dire sur la lutte contre la pauvreté et la stimulation de la croissance économique dans les pays d’Afrique de l’Ouest. Le problème est toutefois que la politique européenne actuelle vis-à-vis de cette région est caractérisée par un manque criant de réalisme, de cohérence et de courage politique. Les attentes créées sont trop élevées, les progrès sont minés par la politique incohérente de l’UE dans d’autres domaines et, surtout, le courage politique fait cruellement défaut. J'entends par là : la reconnaissance que seules une migration légale et une politique européenne réellement cohérente pourront empêcher des centaines de milliers de personnes en provenance d’Afrique de l’Ouest de s’aventurer en Europe dans le futur.

NOUVEAUX ACCORDS

En 2015, l’Europe a été largement prise au dépourvu par la traversée soudaine de près d’un million de réfugiés syriens depuis la Turquie vers les îles grecques proches de la côte turque. La plupart d’entre eux ont réussi à rejoindre d’autres pays en Europe, parmi lesquels l’Allemagne, qui faisait office de destination privilégiée. Submergée par cet afflux massif et sous la pression des partis populistes de droite dans plusieurs pays, la route des Balkans a été fermée et, en mars 2016, les dirigeants européens ont conclu un accord avec la Turquie en vue de garder la majorité des Syriens en Turquie.
                              
Dans ce contexte, l’Union européenne a décidé, fin novembre 2015, de créer un Fonds d’urgence pour l’Afrique (EU Emergency Trust Fund for Africa). Le Fonds a pu disposer de près de 3 milliards d’euros, dont 2,7 milliards provenant du Fonds de développement européen. L’objectif ? S’attaquer aux causes fondamentales d’instabilité et de migration forcée et irrégulière, de même que contribuer à une meilleure maîtrise des flux migratoires. Six mois plus tard, l’Union européenne a introduit les Accords de migration (Migration Partnership Frameworks) avec certains pays d’Afrique. Ces accords devaient permettre de s’attaquer, à court terme, aux réseaux de trafiquants, d’organiser le retour d’un nombre accru de migrants africains n’ayant pas le droit de séjourner en Europe et, singulièrement, de garantir une route sûre et légale pour les réfugiés en provenance d’Afrique. À plus long terme, ces accords bilatéraux devaient également contribuer à l’élimination des causes fondamentales de la migration en favorisant le développement politique, social et économique des pays concernés.

Une consultation rapide des statistiques relatives aux pays d’origine des migrants qui ont rejoint l’Italie depuis l’Afrique en 2016 et 2017 explique clairement pourquoi l’UE donne la priorité à l’Afrique de l’Ouest lors de la mise en œuvre des deux nouveaux instruments politiques. Quatre pays du Top 5 se situent en effet dans cette partie de l’Afrique : le Nigeria, la Guinée, la Côte d’Ivoire et la Gambie. Nous observons également qu’un milliard d’euros (sur le montant de 1,9 milliard à ce jour utilisé par le Fonds d’urgence) ont été affectés à des projets et initiatives en Afrique de l’Ouest et dans quelques pays limitrophes. Quatre des cinq Accords de migration conclus jusqu’à présent le sont avec des pays d’Afrique de l’Ouest (le Nigeria, le Sénégal, ainsi que le Mali et le Niger, des pays de transit importants).

Selon les prévisions, la pression migratoire depuis cette partie de l’Afrique ne devrait que se renforcer dans les prochaines années en raison de la croissance démographique constante. L’idée centrale qui sous-tend le Fonds d’urgence et les Accords de migration est que grâce aux investissements européens dans cette région, de nombreux Africains de l’Ouest n’auront plus besoin de trouver leur salut en Europe. Bref : plus de développement pour moins de migration.

CRITIQUE

Personne ne remet en question les tentatives de l’Union européenne de stimuler le développement économique de pays d’Afrique de l’Ouest. La plupart des pays dans la région sont parmi les moins développés du continent africain ; ils peuvent donc tirer profit de toute forme de stimulation et de développement afin de lutter contre la pauvreté et de créer davantage d’opportunités pour une population majoritairement jeune. Des critiques s’élèvent toutefois de manière croissante à propos de la mise en œuvre des nouveaux accords et des attentes suscitées par les politiciens européens.

Si nous examinons l’affectation du Fonds d’urgence et le type de projets qui sont lancés dans le cadre des Accords de migration, il est clair que toutes les belles paroles sur l’éradication des causes fondamentales ont moins de valeur dans la pratique que le besoin de lutter rapidement et par le biais de moyens répressifs contre la migration en Afrique de l’Ouest, mais surtout en provenance de cette région, et ce, de toutes les manières possibles. L’année dernière, la majeure partie des fonds a été consacrée au renforcement du contrôle des frontières, à la formation des garde-frontières et au démantèlement des réseaux de trafiquants.

En d’autres termes... Sur les instances de l’UE, toute l’énergie est consacrée aux mesures à court terme qui ne visent qu’un seul objectif : retenir les personnes qui veulent quitter leur pays pour une raison quelconque. La conséquence n’est autre que la perturbation de la migration régulière, déjà existante, entre les pays d’Afrique de l’Ouest. Dans le passé, ce phénomène servait souvent de moyen pour échanger provisoirement l’absence de perspectives et la crise à domicile pour une vie meilleure chez les voisins. Un élément plus grave est qu’aucune distinction n’est faite entre les migrants économiques et les réfugiés qui utilisent les mêmes routes et réseaux lors de l’arrestation et du renvoi des personnes qui veulent rejoindre l’Europe.

La plupart des Africains de l’Ouest qui veulent se rendre en Europe le font pour se construire un meilleur avenir, pour eux-mêmes et leur famille, pas parce qu’ils sont persécutés ou opprimés dans leur propre pays. Environ 85 pour cent des réfugiés africains qui doivent quitter leur pays à cause de la guerre et de la violence cherchent refuge dans les pays voisins directs du conflit. Seule une petite minorité essaie de rejoindre l’Europe. Ils se joignent alors aux migrants en route vers l’Europe pour d’autres motifs. Le résultat n’est autre que des flux migratoires mélangés, compliquant généralement la possibilité de distinguer les différentes sortes de migrants.

Toute cette attention européenne pour l’endiguement rapide de la migration irrégulière limite jusqu’à présent de manière significative la contribution du fonds et des accords à l’amélioration structurelle de la stabilité économique et politique dans la région.

Un élément de critique bien plus fondamental concerne le mantra des interventions européennes : plus de développement = moins de migration. Même si la majeure partie des fonds européens était bien affectée au renforcement des économies ouest-africaines, garantissant ainsi davantage de sécurité d’existence et des revenus plus élevés pour les Africains de l’Ouest, la question de savoir si cela mènerait à une baisse du nombre de personnes qui veulent partir se pose encore. Les expériences du passé et la plupart des études consacrées à la migration indiquent qu’une hausse des revenus dans les pays les plus pauvres entraîne justement une augmentation de la migration. Il y a tout simplement plus de personnes qui peuvent se permettre de tenter le voyage coûteux vers l’Europe. Pour que la prospérité atténue le souhait de tenter sa chance ailleurs, il faut que les revenus par habitant aient atteint un certain niveau (environ 7 000 $). Cette conclusion s’inscrit dans le droit fil de la conclusion que la plupart des migrants africains qui se sont récemment rendus en Italie ne sont pas issus des pays les plus pauvres et ne sont pas les plus nécessiteux.

Cette erreur d’appréciation quant aux conséquences d’une hausse de la prospérité sur la migration constitue plus qu’une analyse erronée et regrettable. En suggérant que les fonds européens peuvent faire reculer à court terme la pression migratoire, de nombreux politiciens européens essaient de couper l’herbe sous le pied de leurs critiques populistes, voire carrément xénophobes. Si le compromis entre une augmentation des fonds pour le développement et un recul de la migration se révèle une fiction, cela ne fera qu’affaiblir encore davantage le soutien de la population européenne à l’aide au développement en Afrique. Cela confortera en outre les politiciens anti-migration dans leur conviction que seules des frontières hermétiquement closes pourront stopper le flux de migrants africains.

MIGRATION LÉGALE

Un autre point important du train de mesures européennes en vue de rendre la migration depuis l’Afrique de l’Ouest aussi peu attractive que possible est la conclusion des accords de réadmission. Dans ce contexte, le pays d’origine des migrants qui n’ont pas le droit de séjourner dans un État membre de l’UE s’engage à reprendre ses ressortissants. Très peu de ces plans se sont à ce jour matérialisés, ce qui s’explique par ailleurs facilement. Les pays de la région profitent de l’argent qui leur est viré depuis l’Europe par les migrants qui séjournent légalement ou, au besoin, illégalement au sein de l’Union européenne. Ainsi, ces transferts depuis l’étranger vers le Nigeria ont constitué près de 2 pour cent du produit intérieur brut du pays en 2014. La limitation de cette source de revenus n’est absolument pas dans l’intérêt de ceux qui restent dans les pays d’origine. Les gouvernements ne sont donc disposés à reprendre leurs ressortissants que si d’autres possibilités légales sont simultanément mises en place pour permettre aux Africains de l’Ouest de travailler ou d’étudier en Europe. À l’heure actuelle, cette proposition est toutefois taboue au sein de l’Union européenne.

Depuis des années, les spécialistes de la migration soulignent la nécessité de trouver une alternative au renvoi pur et simple des migrants. De nombreuses propositions ont déjà été faites en vue de fournir des visas de travail provisoires ou des bourses d’étude incitant les Africains expérimentés et hautement qualifiés à finalement revenir dans leur pays natal afin de contribuer à son développement. C’est la seule manière pour éviter une fuite des cerveaux.

Cette voie légale doit être suffisamment attractive et accessible pour empêcher un grand nombre de migrants potentiels de (littéralement) s’embarquer dans un voyage avec un trafiquant. Le problème est que l’ouverture dans les pays d’Afrique de l’Ouest de bureaux de migration européens où peuvent se présenter les intéressés n’aura lieu que si les États membres de l’UE se rangent derrière une politique migratoire européenne commune, qui dépasse toutes les différences qui existent aujourd’hui sur le plan des visas, des permis de travail et des bourses d’étude. Il ne semble pas, à l’heure actuelle, que les 28 États membres puissent trouver rapidement un accord à ce sujet. Il semble plus évident - et les traités européens le permettent également - qu’un groupe de pays décide d’un commun accord de prendre les devants par le biais de la « coopération renforcée ». Cela nécessite du courage politique dans le climat politique actuel, qui privilégie généralement les semblants de solutions simples et les discours hystériques aux mesures intelligentes et efficaces.

MANQUE DE COHÉRENCE

À tout cela s’ajoute le constat que l’exportation de produits agricoles européens subventionnés (souvent largement) a des conséquences extrêmement défavorables sur les possibilités de croissance des pays en dehors de l’Europe. Il en va de même pour la politique européenne de la pêche, qui a longtemps consisté à épuiser les ressources des eaux de la côte africaine et à léser les pêcheurs locaux. Ajoutez à cela un certain nombre d’accords commerciaux garantissant des quotas et des tarifs d’importation très avantageux pour les produits européens et vous découvrez une vision globale des abus de pouvoir européens (sur le plan économique) ainsi qu’une politique incohérente, où les objectifs de la politique européenne de développement sont en grande partie minés par une politique commerciale, agricole et de pêche dont profitent surtout les gros producteurs européens.

Ce que l’UE donne d’une main à l’Afrique de l’Ouest sous la forme d’un soutien au développement, elle le reprend très largement de l’autre en menant une politique incohérente. Au fil du temps, cette critique fondée a peu à peu conduit à des adaptations mineures de la politique européenne. Il est aussi officiellement reconnu qu’il faut viser une intervention européenne cohérente, dans le cadre de laquelle la politique commerciale, agricole et de la pêche contribuent à la réalisation des objectifs de développement posés par l’UE pour les pays d’Afrique, d’Asie et des Caraïbes. Depuis quelques années, les traités européens reprennent même des articles qui contraignent l’Europe à mener une politique cohérente à l’égard des pays en développement et qui ont défini explicitement la lutte contre la pauvreté comme un objectif de la politique européenne.
Dans la pratique, cela signifie que le soutien des prix au profit des agriculteurs européens est remplacé par des compensations de revenus et que les aides à l’exportation, souvent critiquées, ont été ou sont progressivement supprimées depuis quelques années pour la majorité des produits. Depuis 2014, la politique de pêche est également soumise à des modifications qui ont dissipé une partie des anciennes critiques.

Cependant, cela ne signifie aucunement que la politique européenne à l’égard de l’Afrique est aujourd’hui parfaitement cohérente et qu’elle ne se révèle que profitable aux Africains. En 2017 également, de très nombreux points de la politique méritent encore la critique et, s’ils restent inchangés, toutes les belles paroles sur le développement durable et la prise en charge des causes fondamentales de la migration ne seront pas prises au sérieux, à juste titre, par un grand nombre d’Africains.

Citons, pour commencer, la première d’une nouvelle série de traités commerciaux que l’UE veut conclure avec (les accords de coopération) des pays d’Afrique. En 2014, l’Union européenne a conclu un Accord de partenariat économique (Economic Partnership Agreement) avec 15 pays qui se sont réunis dans l’Economic Community of West African States (ECOWAS). En particulier après la crise migratoire de 2015, l’UE souligne que cet accord ne profitera pas seulement au développement économique de la région mais il réduira aussi la migration vers l’Europe.

Un grand nombre d’Africains et d’organisations européennes de développement doutent toutefois fortement que le résultat sera à ce point positif pour la population d’Afrique de l’Ouest. La suppression progressive des tarifs d’importation aura notamment pour conséquence, selon les critiques, que les produits européens subventionnés indirectement seront vendus sous leur prix de revient et envahiront le marché africain avec tous les effets négatifs que cela engendre pour les agriculteurs locaux qui vivent au niveau du seuil de pauvreté ou juste en dessous. Environ 60 pour cent des Africains de l’Ouest travaillent dans l’agriculture. Bien qu’une partie des produits de première nécessité soient exemptés de libéralisation complète du marché, l’angoisse est grande et justifiée que les agriculteurs africains perdent la lutte concurrentielle avec leurs collègues européens pour la plupart des produits.

POUDRE DE LAIT, POULET, POISSON ET ÉVASION FISCALE

Plusieurs exemples concrets montrent clairement qu’en fin de compte, ce sont souvent les entreprises et pays européens qui en sortent vainqueurs malgré toutes les promesses de cohérence et d’aide au développement.

L’exportation de lait en poudre par les entreprises européennes vers les pays d’Afrique de l’Ouest pose ainsi un problème croissant. En 2009, 229 000 tonnes de lait en poudre maigre ont été exportées depuis l’UE vers le reste du monde (une exportation croissante vers l’Afrique). En 2015, ce chiffre atteignait déjà 691 000 tonnes. Cette hausse rapide se produit malgré la disparition du marché russe à la suite des sanctions et de la demande en baisse en provenance de la Chine, de sorte que la poudre blanche européenne trouve encore davantage sa voie vers les « marchés plus facilement accessibles ». Et une partie croissante de cette exportation accrue se retrouve dans un certain nombre de pays d’Afrique de l’Ouest (Nigeria et Ghana), qui produisent trop peu de lait pour pouvoir répondre à la demande nationale. Il est probable que cette production locale demeurera à la traîne tant que le prix du lait en poudre importé restera largement inférieur à celui du lait local. Ainsi, au Burkina Faso, un litre de lait local coûte 650 francs CFA, tandis que le lait préparé avec la poudre de lait importée depuis l’Europe ne coûte que 225 francs CFA, soit un tiers du prix. Sans compter que, selon le nouvel Accord de partenariat économique, les pays d’Afrique de l’Ouest ne peuvent pas prélever plus de 5 pour cent de taxes à l’importation sur le lait en poudre européen. Ces dernières années, un nombre croissant de grandes entreprises laitières européennes, telles que Nestlé, Danone et Friesland-Campina, produisent du lait et d’autres produits laitiers sur place, à base de lait en poudre importé. Elles reprennent à cet effet des entreprises locales existantes ou en fondent de nouvelles. L’Afrique de l’Ouest est ainsi devenue l’un des principaux marchés en expansion pour l’industrie laitière européenne.

Cet exemple démontre clairement que les pratiques de dumping classiques à l’une ou l’autre échelle existent encore et sont aujourd'hui complétées par la libéralisation du marché imposée par l’UE. Ces deux phénomènes ont le même effet : ils découragent et éliminent la concurrence des produits laitiers locaux, tandis qu’un élevage laitier coopératif à petite échelle dans de grandes parties d’Afrique de l’Ouest pourrait justement offrir une excellente occasion d’apporter un revenu régulier et garanti à la population.

Un autre exemple est l’exportation vers l’Afrique de l’Ouest d’ailes et de cous de poulet, des parties du poulet qui sont moins populaires auprès des consommateurs européens. Leur prix est bas en comparaison avec celui de la volaille produite localement parce que les aliments pour volaille en Europe sont beaucoup moins chers en raison des subventions agricoles européennes. Ces exportations ont également connu une hausse phénoménale ces dernières années. Les conséquences sont prévisibles : les éleveurs de poulets locaux ne peuvent pas lutter contre les importations européennes de volaille et la hausse de la demande de produits à base de volaille dans de nombreux pays d’Afrique de l’Ouest remplit surtout les caisses des entreprises européennes qui commercialisent leurs restes de volaille juste au-dessus du prix de revient sur le marché ouest-africain.

Passons maintenant à la pêche. Les eaux d’Afrique de l’Ouest sont depuis longtemps l’un des lieux favoris des entreprises de pêche européennes qui tentent de compenser la chute des recettes générées par les eaux européennes. Dans le passé, cela a mené à un phénomène de surpêche et de marginalisation des pêcheurs locaux, qui ont perdu la partie contre leurs collègues européens bien mieux équipés. La révision de la politique de pêche européenne en 2014 (sous la conduite de la parlementaire écologiste suédoise Isabella Lövin) a heureusement mis un terme à un certain nombre de ces pratiques néfastes. Une des manières d’opérer ce revirement fut la conclusion des Accords de pêche durable (Sustainable Fisheries Partnership Agreements, SFPA). En concluant un accord de ce type entre l’UE et l’un des pays d’Afrique de l’Ouest, les bateaux naviguant sous le pavillon européen ne peuvent plus pêcher en vertu d’accords privés avec les entreprises de ce pays. C’est une pratique qui était possible dans le passé et a conduit à l’évitement de règles et d'accords.

Malheureusement, malgré ces restrictions légales, une enquête menée par l’ONG internationale Oceana a démontré que, l’année dernière, quatre bateaux appartenant à des États membres de l’UE pêchaient encore dans les eaux de Gambie et de Guinée équatoriale sur la base d’accords privés, et ce, bien que les deux pays aient conclu un SFPA. Il faut admettre qu’en termes de volumes, il s’agit d’infractions relativement limitées. Mais les exemples montrent clairement à quel point il est difficile de corriger les déséquilibres au profit des pays et des pêcheurs d’Afrique de l’Ouest, qui ont si longtemps été perdants et ont littéralement vu leur moyen de subsistance se dépeupler devant leur nez.

Pour finir, évoquons un sujet qui a de nouveau fait énormément parler ces derniers jours. En Afrique également, l’évasion fiscale par les entreprises multinationales et les plus riches a fortement augmenté. Selon les estimations, l’Afrique perd au moins 50 milliards de dollars de revenus à la suite de fuites des capitaux, de malversations financières et de transactions illégales, qui ont mené en 2015 à la mise en place de la campagne africaine « Stop The Bleeding ». Une grande partie des mesures visant à lutter contre ce type de pratiques doivent être prises par les gouvernements africains, individuellement ou conjointement, dans le cadre de l’Union africaine. Dans ce domaine aussi, l’Union européenne pourrait jouer un rôle très positif. Mais de nombreux États membres devront alors arrêter de conclure des traités fiscaux très problématiques avec les pays africains qui facilitent l’évasion fiscale par les entreprises et compliquent le prélèvement des taxes par les pays.

Et l’UE devrait enfin introduire elle-même des mesures en vue d’améliorer la transparence de l’économie et du secteur financier, comme le Country by Country reporting (CBC). Cela permettrait également aux pays en développement de savoir quelles entreprises multinationales paient leurs impôts dans quels pays et quels sont les flux de capitaux des entreprises transfrontalières. Ces mesures aideraient en outre à dévoiler qui dissimule son capital dans des paradis fiscaux. En bonne concertation, l’Europe et les pays d’Afrique de l’Ouest devraient pouvoir décider d’annuler une partie de leur Accord de partenariat économique ou, dans tous les cas, de l’adapter, en particulier la partie convenant de la libéralisation et de la dérégulation du secteur financier.

REVIREMENT

Les 29 et 30 novembre 2017, les dirigeants européens et africains se réuniront à Abidjan, en Côte d’Ivoire, dans le cadre du cinquième sommet entre l’Union européenne et l’Union africaine. De nombreuses affaires courantes figurent à l’ordre du jour. En lieu et place, les politiciens européens devraient surtout se pencher sur les questions vraiment essentielles pour une gestion efficace des flux migratoires en Afrique : affecter concrètement les fonds pour le développement au développement et pas au refoulement des migrants ; arrêter de susciter des attentes irréalistes concernant la réduction de la migration en provenance d’Afrique ; réfléchir de manière créative à la mise en place de méthodes légales pour permettre aux Africains de l’Ouest de travailler et d’étudier en Europe ; combler les lacunes encore importantes dans la politique de cohérence de l’UE, afin que, plus que par le passé, le commerce entre l’Europe et l’Afrique de l’Ouest soit également favorable aux Africains de l’Ouest. Bref, en matière de politique migratoire, l’Europe ne pourra pas se contenter de laisser la situation actuelle perdurer. Car les Africains en quête d’une vie meilleure ne reculent devant rien.

Bart Staes

GroenDe enige partij die sociaal én milieuvriendelijk is.

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De Groenen/EVAGroenen en Europese Vrije Alliantie in het Europees Parlement.

www.greens-efa.eu

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